Guerre des sables
La guerre des sables d'octobre 1963 est un conflit militaire opposant le Maroc et l’Algérie peu après l’indépendance de celle-ci. Après plusieurs mois d'incidents frontaliers, la guerre ouverte éclate dans la région algérienne de Tindouf et Hassi-Beïda, puis s'étend à Figuig au Maroc. Les combats cessent le 5 novembre, et l'Organisation de l'unité africaine obtient un cessez-le-feu définitif le 20 février 1964, laissant la frontière inchangée.
Trois facteurs contribuent à l'éclatement du conflit : l'absence d'un tracé précis de la frontière entre l'Algérie et le Maroc, la découverte d'importantes ressources minérales dans la zone contestée, et l'irrédentisme marocain favorable à la reconstitution d'un « Grand Maroc1 ».
Avant que la France ne colonise la région à partir du xixe siècle, une partie du territoire algérien actuel, au sud et à l'ouest, était sous influence marocaine2 et aucune frontière n'était définie. Dans le traité de Lalla Maghnia (18 mars 1845), qui fixe la frontière entre l'Algérie française et le Maroc, il est stipulé que « un territoire sans eau est inhabitable et sa délimitation est superflue »3 et le tracé n'est défini que sur 165 kilomètres4. Au-delà n'existe qu'une zone frontalière, sans limite précise, jalonnée par des territoires tribaux rattachés au Maroc ou à l'Algérie. Après la colonisation du Maroc en 1912, l'administration française fixe des limites entre les deux territoires, mais celles-ci suivent des tracés mal identifiés (ligne Varnier en 1912, ligne Trinquet en 1938), variant d'une carte à l'autre5, puisqu'aux yeux de l'administration française il ne s'agit pas de frontières et que la zone est pratiquement inhabitée6. La découverte d'importants gisements de pétrole et de minerais (fer, manganèse) dans la région conduit la France à délimiter plus précisément les territoires, et en 1952 les Français décident d'intégrer aux départements français d'Algérie les régions de Tindouf et Colomb-Béchar7.
Dès son indépendance en 1956, le Maroc revendique la souveraineté sur ces territoires, ainsi que d'autres ayant fait partie du Maroc historique. Afin de mettre un terme au soutien du Maroc au FLN algérien, la France propose le principe de la restitution de ces territoires contre la mise en place d'une « organisation commune des régions sahariennes » (OCRS), chargée d'exploiter les gisements miniers du Sahara récemment découverts8 et l'interdiction d'abriter des insurgés algériens7. Le roi Mohammed V voit cette proposition comme un « coup de poignard dans le dos » des « frères algériens »8, et parvient séparément à un accord le 6 juillet 1961 avec le chef du Gouvernement provisoire de la République algérienne, Ferhat Abbas. Selon cet accord, une fois l'indépendance algérienne acquise, le statut de Tindouf et Colomb-Béchar serait renégocié.[réf. nécessaire]
Avant que la France ne colonise la région à partir du xixe siècle, une partie du territoire algérien actuel, au sud et à l'ouest, était sous influence marocaine2 et aucune frontière n'était définie. Dans le traité de Lalla Maghnia (18 mars 1845), qui fixe la frontière entre l'Algérie française et le Maroc, il est stipulé que « un territoire sans eau est inhabitable et sa délimitation est superflue »3 et le tracé n'est défini que sur 165 kilomètres4. Au-delà n'existe qu'une zone frontalière, sans limite précise, jalonnée par des territoires tribaux rattachés au Maroc ou à l'Algérie. Après la colonisation du Maroc en 1912, l'administration française fixe des limites entre les deux territoires, mais celles-ci suivent des tracés mal identifiés (ligne Varnier en 1912, ligne Trinquet en 1938), variant d'une carte à l'autre5, puisqu'aux yeux de l'administration française il ne s'agit pas de frontières et que la zone est pratiquement inhabitée6. La découverte d'importants gisements de pétrole et de minerais (fer, manganèse) dans la région conduit la France à délimiter plus précisément les territoires, et en 1952 les Français décident d'intégrer aux départements français d'Algérie les régions de Tindouf et Colomb-Béchar7.
Dès son indépendance en 1956, le Maroc revendique la souveraineté sur ces territoires, ainsi que d'autres ayant fait partie du Maroc historique. Afin de mettre un terme au soutien du Maroc au FLN algérien, la France propose le principe de la restitution de ces territoires contre la mise en place d'une « organisation commune des régions sahariennes » (OCRS), chargée d'exploiter les gisements miniers du Sahara récemment découverts8 et l'interdiction d'abriter des insurgés algériens7. Le roi Mohammed V voit cette proposition comme un « coup de poignard dans le dos » des « frères algériens »8, et parvient séparément à un accord le 6 juillet 1961 avec le chef du Gouvernement provisoire de la République algérienne, Ferhat Abbas. Selon cet accord, une fois l'indépendance algérienne acquise, le statut de Tindouf et Colomb-Béchar serait renégocié.[réf. nécessaire]
Le parti de l'Istiqlal est particulièrement indigné de l'« ingratitude » des Algériens, et en mars 1963 il republie une carte irrédentiste du « Grand Maroc » dans son hebdomadaire, Al-Alam (La Bannière). Le territoire comprend un tiers de l'Algérie jusqu'à Ain Salah, le Sahara occidental, la Mauritanie, et une partie du Mali9.
Les tensions entre le Maroc et l'Algérie montent peu à peu, et aucune des parties ne veut prendre le risque de reculer. Dès 1962, Tindouf est le siège d'incidents : lors du référendum d'indépendance, les habitants[Combien ?] indiquent sur leur bulletin : « OUI à l'indépendance, mais nous sommes marocains »11. Peu après, l’armée marocaine tentent d'occuper la ville, mais se replient après avoir découvert que l'armée algérienne contrôle déjà la région12. Elles s'installent également brièvement dans la région de Colomb-Béchar7. Pendant l’été 1963, les deux pays renforcent leur dispositif militaire le long de la frontière. De chaque côté, la presse relate des exactions : les Algériens interdisent aux Marocains de Figuig de se rendre sur leurs palmeraies en territoire algérien, tandis qu'à Colomb-Béchar et à Tindouf, selon Attilio Gaudio, les habitants[Combien ?] sont contraints à adopter la nationalité algérienne13. Des Marocains travaillant en Algérie sont expulsés[Quand ?], ainsi que des marchands algériens travaillant à Oujda14. L'Algérie aurait soutenu le « complot de juillet », tandis que le Maroc aurait favorisé l'arrestation de Ben Bella en 1956 et l'assassinat de Patrice Lumumba en 196115. Jusqu'à septembre, les accrochages sont encore attribués à des « éléments incontrôlés
Carte du « Grand Maroc » revendiqué par l'Istiqlal
Déclenchement
À partir du début septembre, l'agence Maghreb Arabe Presse, alors proche de l'Istiqlal, annonce que des troupes algériennes sont entrées à Tarfaya afin d'inciter la population à se révolter contre le roi, et que des blindés occupent les oasis de Zegdou et Mrija17.
À la fin septembre, le roi Hassan II et Mohamed Oufkir décident d'envoyer des auxiliaires marocains de Tagounit pour reprendre Tinjoub et Hassi Beïda, au cœur du territoire « confisqué » par les Français18. Ces deux villages contrôlent la piste qui relie la côte de l'Algérie à Tindouf et au Sahara espagnol7. Cette manœuvre permet au roi d'obtenir un vaste soutien de la population marocaine.
Le 30 septembre, le président Ben Bella affirme que les forces marocaines près de la frontière soutiennent le soulèvement de Hocine Aït Ahmed.
Le 5 octobre, les ministres des Affaires étrangères Ahmed Réda Guédira et Abdelaziz Bouteflika se rencontrent à Oujda, et parviennent au principe d'un sommet entre le roi et Ben Bella, qui statuerait définitivement sur le territoire. Ce sommet n'aura jamais lieu.
Le 8 octobre, les troupes de l'ANP reprennent Hassi Beïda et Tinjoub, et tuent dix auxiliaires marocains7. Le 9, le Maroc annonce que les garnisons de Hassi Beïda, Tinjoub et Tinfouchy ont été occupées suite à une « attaque surprise » algérienne. L'Algérie, elle, rapporte que les forces armées marocaines avancent dans le désert depuis septembre pour établir des garnisons, et qu'elles ont attaqué Colomb-Béchar16.
Sur ordre de Hassan II, Abdelhadi Boutaleb, le ministre de l'information, se rend à Alger, mais sa mission échoue, et le 15 octobre, l'Algérie décide la mobilisation générale dans l'ANP des anciens djounnoud de l'ALN, les combattants vétérans de la guerre d'indépendance19.
Opérations militaires[modifier]
Le 14 octobre, les Forces armées royales du Maroc occupent Hassi-Beïda et Tinjoub et repoussent les forces algériennes vers la piste Béchar-Tindouf. Cette première intervention des forces régulières marque généralement le début du conflit7. L'armée algérienne s'empare de Ich, une « excroissance » marocaine dans le désert, loin à l'est de la zone contestée. Il s'agit vraisemblablement d'ouvrir un nouveau front pour relâcher la pression sur les troupes algériennes menacées au sud, ou bien de détenir un territoire qui puisse servir de « jeton » dans les négociations20. Le 18, les Algériens arrivent au bord de Figuig21.
L'armée marocaine, commandée par le général Driss Ben Omar El Alami17, est mieux équipée et approvisionnée, tandis que l'armée algérienne, commandée par Houari Boumédiène, expérimentée pour la guérilla mais mal équipée, souffre de problèmes logistiques.
L’Algérie se fournit en armement auprès de Cuba (dont un contingent de 686 hommes22, avec aviation, blindés, et artillerie23), de l’Égypte (1000 soldats sont envoyés en Algérie23), pendant que le Maroc ne reçoit aucun appui direct des États-Unis, de l'Espagne ou de la France24. Après l'atterrissage d'urgence d'un hélicoptère algérien derrière les frontières marocaines le 20 octobre, trois colonels égyptiens sont présentés à la presse23. Le Maroc rompt ses relations diplomatiques avec Cuba le 31 octobre, et rappelle ses ambassadeurs en Égypte et en Syrie. 350 professeurs égyptiens sont expulsés.
La bataille la plus importante se déroule le 25 octobre, environ 200 Algériens sont capturés près de Hassi Beïda25. Les Marocains parviennent jusqu'à 12 kilomètres de Tindouf, le 2826. Ils sont peut-être dissuadés d'investir la ville par une intervention de Charles de Gaulle27.
Il était prévu qu'un contingent cubain, comportant 22 blindés T-34, s'empare de Berguent au Maroc, mais l'attaque est suspendue au dernier moment par Ben Bella, en raison de la perspective de négociations lors de la conférence de l'Organisation de l'unité africaine devant se tenir à Bamako à partir du 29 octobre28.
À la fin du mois, le Maroc bénéficie d'une situation militaire favorable, en tenant Hassi-Beïda et Tinjoub, et en approchant de Tindouf, tandis que l'Algérie bénéficie d'une situation diplomatique en sa faveur : elle possède un large capital de sympathie après la guerre d'indépendance, elle est soutenue à des degrés divers par toutes les organisations africaines, et elle peut mettre en avant le principe de uti possidetis pour soutenir sa revendication29.
Négociations pour un cessez-le-feu[modifier]
Plusieurs tentatives de négociations, infructueuses et non coordonnées, ont lieu avant que l'OUA ne parvienne à un accord à la fin d'octobre.
Le président tunisien, Habib Bourguiba tente le premier d'établir un dialogue entre les belligérants, mais ne parvient pas à un accord. Du 15 au 17 octobre, les pays tentent de négocier directement un cessez-le-feu à Marrakech, avec l'assistance de l'empereur éthiopien Hailé Sélassié30 (également premier dirigeant de l'OUA, et alors en visite en Afrique du Nord), sans aucun succès26. Gamal Abdel Nasser, président de la République arabe unie (qui ne contient plus que l'Égypte), appelle à un sommet nord-africain, mais l'implication directe de son armée en faveur de l'Algérie ne laisse aucune chance à son invitation31. Une offre de médiation, lancée par la Ligue arabe, est également rejetée par le Maroc, qui considère que celle-ci est trop favorable à l'Algérie, notamment en raison du rôle dominant de l'Égypte dans la ligue31.
Hailé Sélassié et le président du Mali, Modibo Keita, convainquent les belligérants de se rencontrer lors d'une conférence à Bamako les 29 et 30 octobre32 ; ils obtiennent un cessez-le-feu négocié lors de la conférence33.
Les conditions du cessez-le-feu sont34 :
L'arrêt effectif des hostilités et l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu, à compter du 2 novembre, à zéro heure.
La constitution d'une commission composée d'officiers marocains, algériens, éthiopiens et maliens, qui déterminerait une zone au-delà de laquelle les troupes engagées seraient retirées.
La constitution d'un corps d'observateurs maliens et éthiopiens chargés de veiller à la sécurité et à la neutralité de la zone démilitarisée.
La réunion, dans les plus brefs délais, des ministres des Affaires étrangères des États-membres de l'Organisation de l'unité africaine, afin de constituer une commission spéciale qui aurait pour mission :
a) de situer les responsabilités dans le déclenchement des hostilités;
b) d'étudier le problème des frontières et de soumettre aux deux parties des propositions concrètes pour le règlement définitif de cette affaire.
Les quatre chefs d'État décident en outre :
La cessation par l'Algér
La cessation par l'Algérie et par le Maroc de toute attaque publique, par voie de presse ou de radio, à compter du 1er novembre 1963, à zéro heure.
L'observation stricte du principe de non-ingérence dans les affaires des autres États;
Le règlement par voie de négociation de tout différend susceptible de survenir entre États africains.
Il doit prendre effet le 2 novembre, mais le Maroc n'entend pas abandonner Hassi Beïda et Tinjoub qu'il considère comme faisant partie de son territoire35. Le 1er novembre,le président algérien Ben Bella exige l'évacuation de ces villages par les troupes marocaines. Devant leur refus, il ordonne des bombardements d'artillerie sur Figuig, et des combats sporadiques se poursuivent jusqu'au cessez-le-feu effectif du 5 novembre, qui laisse les positions d'origine inchangées33. Le Maroc, qui tentait depuis la mi-octobre d'amener le conflit devant l'ONU afin de contrecarrer les efforts algériens à l'OUA, n'est pas soutenu par les États-Unis ou la France, qui lui indiquent de respecter les accords de Bamako36.
L'OUA forme une commission de médiation, avec des représentants de l'Éthiopie et du Mali. Celle-ci met en place une zone démilitarisée sur toute la frontière entre Figuig et Tindouf, soit environ 1000 kilomètres, surveillée par des observateurs éthiopiens et maliens. Lors d'une session extraordinaire du 15 au 18 novembre à Addis-Abeba, le conseil des ministres de l'OUA adopte le principe d'une primauté de l'OUA sur l'ONU dans la résolution de conflits purement africains, et approuve la déclaration commune de Bamako. Le Maroc, qui craignait une solution inéquitable de la part d'une organisation favorable à la cause algérienne, est rassuré par ces conclusions37. Un cessez-le-feu définitif est signé le 20 février 1964, il définit les contours de la zone démilitarisée et marque la reprise officielle des relations diplomatiques entre le Maroc et l'Algérie. Les troupes marocaines qui occupent toujours Hassi Beïda et Tinjoub, et les troupes algériennes qui entourent Figuig, peuvent enfin se replier38.
Bilan et conséquences[modifier]
En avril 1964, 379 prisonniers algériens sont échangés contre 57 marocains, ce qui conforte la thèse d'une supériorité générale des forces marocaines lors du conflit. Le Maroc annonce un bilan officiel de 39 morts, tandis que les pertes algériennes, jamais publiées, s'élèvent vraisemblablement à 300 morts39. Le piètre bilan de l'armée algérienne est un des facteurs qui contribuent à la chute de Ben Bella en 196540. Au Maroc, l'armée n'apprécie pas d'avoir été privée d'une victoire militaire claire, et la tension entre certains officiers et le roi débouche sur deux tentatives d'assassinat, en 1971 et 1972.
Ben Barka, réfugié en Algérie depuis juillet 1963, dénonce vivement la « guerre d'agression » et la « trahison » du Maroc41, et est condamné à mort par contumace le 22 novembre 1963, pour complot et tentative d'assassinat contre le roi suite au « complot de juillet ». Le 29 octobre 1965, il est arrêté et enlevé à Paris par des policiers français, et disparaît sans laisser de trace. Il est vraisemblablement assassiné au Maroc sur instruction du général Oufkir, avec la complicité du SDECE. La gauche marocaine, traumatisée par les dénonciations de trahison à la patrie lors du conflit, se rangera presque tout entière du côté du roi lors du conflit au Sahara occidental à partir de 197542.
L'attitude « impérialiste » ou « expansionniste » du Maroc est critiquée en Afrique et dans le monde arabe, notamment parce que le roi Hassan II ne s'est pas démarqué clairement des positions ambitieuses de l'Istiqlal43. Elle rapproche le Maroc de l'Occident anticommuniste, tandis que l'Algérie se tourne vers le tiers-mondisme. Les troupes cubaines, qui n'ont jamais eu l'occasion de combattre, se reconvertissent en instructeurs et assurent la formation d'une brigade algérienne de cavalerie, ainsi qu'une assistance médicale, avant de repartir en mars 196444.